Avant-propos

 
Dans cet essai l’auteur propose 99 clefs que le lecteur pourra voir comme les clefs du paradis laotien, et particulièrement vientianais. « La capitale du Laos est sans doute l’une des capitales du monde où on sourit le plus », écrit-il. Il est de fait que, très souvent, l’étranger qui découvre le Laos est rapidement subjugué non seulement par la beauté de ce qu’il voit, mais plus encore par un charme puissant qui est la marque d’un art de vivre raffiné et subtil :

« Apaisant et doux, le Laos immense / De sérénité me comble et m’emplit. »
(André Escoffier, cité dans l’essai)

Le visiteur pourra découvrir aussi à quel point les Laotiens, par amour bien plus que par orgueil, sont attachés à leur pays, à son histoire et à sa culture, à tout ce qui fait son identité à la fois singulière et multiple, puisque, fruit d’une longue histoire, elle emprunte ses éléments aux diverses ethnies qui y vivent ensemble.

L’auteur n’échappe certainement pas, bien au contraire, au profond attachement que le Laos sait produire. Ses clefs sont autant de tableaux procédant de l’observation et de la réflexion, d’une extraordinaire diversité mais révélant une véritable passion, en même temps qu’une vaste connaissance d’un pays qui l’a accueilli voici longtemps et qu’il a vu évoluer au fil des ans. Les parfums et les fleurs, les maisons, la musique et la danse, l’influence du bouddhisme, le « bo pen yang », l’artisanat, les fêtes, la gastronomie, les éléphants, le Mékong, les ruelles de Vientiane, autant de « clefs », parmi d’autres encore, décrites avec une fervente simplicité mais qui, mine de rien, dressent peu à peu un tableau dense, coloré, réfléchi de l’histoire et de la culture du pays : une promenade érudite, et un poème tout autant, celui du cœur. On ne négligera pas pour autant l’abondance ni la richesse des données bibliographiques rassemblées par Michel Treutenaere pour étayer, ô combien, la promenade ainsi proposée.

Une promenade où, au demeurant, Vientiane se trouve en quelque sorte réhabilitée. Depuis l’ouverture du Laos au tourisme, et surtout depuis le classement de Luang Prabang, par l’UNESCO, sur la Liste du patrimoine mondial de l’humanité (1995), c’est de loin cette dernière qui est devenue aux yeux de l’étranger le principal fleuron du Laos, voire son emblème. Non sans raisons bien sûr mais, si l’architecture de Vientiane ne peut prétendre au même lustre que celle de Luang Prabang, la ville n’en recèle pas moins bien des trésors qui gagnent à être découverts. Nombre d’entre eux relèvent de ce que l’UNESCO appelle désormais le patrimoine immatériel, fondé sur les traditions artistiques et artisanales, les traditions orales, les pratiques sociales, rituelles et festives, tout ce qui constitue en définitive une certaine vision du monde et de l’humanité. Plus encore que de patrimoine immatériel, on serait tenté de parler de patrimoine spirituel.

Un paradis donc. Bientôt un paradis perdu ? La crainte affleure ici ou là sous la plume de l’auteur. Il est vrai que les changements que connaît le Laos sont très rapides depuis quelques années, notamment dans sa capitale : urbanisation, investissements étrangers et nouvelles activités économiques, circulation, influence du tourisme, tout semble en proie à une forte accélération, tout semble changer à vue d’œil, et de grandioses projets voient le jour. Ces changements sont-ils de nature à estomper le paradis ? Beaucoup se posent aujourd’hui la question, tandis que d’autres pensent que la vie des gens s’en trouvera au contraire améliorée. Le Laos, qui a bénéficié d’une forte croissance économique ces dernières années, ne peut rester à l’écart des tendances actuelles de la mondialisation et de l’intégration économique, notamment dans le cadre de l’ASEAN, ni de l’évolution que connaissent plusieurs des pays qui l’entourent. Bien des peuples ont déjà eu d’ailleurs, à différents moments de leur histoire, à faire face au dilemme tradition-modernité. D’autres villes asiatiques ont connu durant ces dernières décennies des changements spectaculaires, non sans inconvénients. La question qui se pose finalement est celle du modèle de développement dont pourrait se doter le pays pour aller vers la modernité d’aujourd’hui tout en préservant son identité, son âme. C’est aux Laotiens qu’il appartiendra d’apporter la réponse qu’ils jugeront appropriée.

Stany Kol.
Ancien directeur des relations avec les Etats membres (UNESCO),
Consultant, partage sa vie maintenant entre la France et le Laos.