Hommage

leguayLe peintre Marc LEGUAY s’est éteint le 22 mai 2001 à l’aube à l’âge de 91 ans, entouré d’une partie de sa famille, dans son village d’adoption du pays Issan, près d’Udon Thani.

Né le 10 janvier 1910 à Charleville-Mézières, le destin de Marcel-Louis Leguay a bifurqué lors de son arrivée dans la péninsule indochinoise à l’âge de 25 ans suite à une invitation officielle du Gouverneur de la Cochinchine. Sa carrière fut entièrement placée sous le signe des Beaux Arts : peinture, dessin, gravure. Dans les années trente, il fréquentait dans le Sud de la France, à Perpignan notamment, puis en Espagne l’atelier de peintres amis.

Arrivé au Laos par le sud, en 1936, il fut subjugué par la beauté de la région des 4.000 îles (sii phan done) et fonda la première école des Beaux arts du Laos, dans l’île de Khong. Il resta dans cette région jusqu’en 1947, en compagnie de sa femme Sengdouane, originaire de l’île, dont la beauté fut immortalisée sur plusieurs des billets de cette époque : c’est elle en effet qui devait représenter le Laos sur les piastres de l’ancienne Indochine et sur les premiers kips.

En pleine harmonie avec ce pays et ses habitants, Marc Leguay éprouva l’amitié indéfectible et la solidarité du peuple lao grâce à la protection que lui prodigua une famille amie, aux heures difficiles qui suivirent le 9 mars 1945. Le peintre quitta la lumière et le charme des paysages du sud pour s’installer dans la capitale où il fonda la première école des Beaux-Arts de Vientiane en 1959. Le bâtiment ancien de l’actuel Institut national des Beaux arts abrite une peinture sur bois en plusieurs panneaux, restaurée à Paris au début des années 2000 par le peintre José Ostria, grâce à la générosité d’un mécène et à l’appui du centre culturel français.

On aperçoit encore à l’orée du village de Naxay, sur la route qui conduit du Mékong au That Luang, la maison, témoignage d’une belle architecture d’inspiration lao, où il vécut avec sa famille avant de s’installer dans l’immeuble qui abritait les enseignants du Lycée de Vientiane de cette époque. Beaucoup d’enseignants et de cadres, anciens élèves se souviennent avec émotion de ses leçons de dessin et de peinture où l’on apprenait à aimer la création et la beauté autant qu’à comprendre les techniques graphiques et les lois qui régissent la lumière et les couleurs.

Marc Leguay ne vendit jamais ses toiles, il en fit cadeau, sa vie d’artiste durant, à des amis français ou lao, qui étaient, comme lui, enchantés par la douceur et le charme pastoral du Laos d’antan. Sa collection personnelle qu’il voulut sauvegarder en la mettant à l’abri dans la période troublée du milieu des années 70, ne lui fut jamais restituée, ce qui assombrit la dernière partie de sa vie. Dans le village Issan où il demeura jusqu’à sa mort, il laissa pour toujours ses pinceaux et ses couleurs dans les malles du souvenir.

Merci Maître Leguay pour les images que vous avez créées d’un Laos tant aimé : tableaux, esquisses mais aussi créations philatéliques et numismatiques. Grâce à vos œuvres, le Laos des rizières et des rivières, le Laos du Mékong et des traditions restera vivant pour toujours.

Article paru dans Le Rénovateur (publié à Vientiane en juin 2001)
Michel Treutenaere
avec la famille du peintre.